La revanche des serfs du Jura
L’ENTRETIEN AVEC PHILIPPE EKEKE

» MUNIA veut dire conte, histoire en Douala, une des langues parlées au Cameroun, et dans ma besace, j’ai des histoires à raconter. «
L’idée du film est partie d’une situation particulière : Philippe Ekeke, le réalisateur du film, et aussi musicien, enregistrait une musique dans un studio. C’est là qu’il entendit de belles voix qui chuchotaient ; il s’agissait des voix des esclaves cachées. Ainsi commence cette aventure humaine.
Comment est venue l’idée du film ?
Le film s’est imposé à moi de manière douce et obsessionnelle. Il fallait raconter cette histoire. Exposer, exorciser, comprendre, avoir de la compassion, être humain, célébrer la solidarité, le courage, l’engagement et l’importance d’une société qui respecte ses lois.
Pourquoi ce titre Munia ? Que signifie-t-il ?
Munia veut dire conte, histoire en Douala, une des langues parlées au Cameroun, et dans ma besace, j’ai des histoires à raconter.
Que signifie le sous-titre : La revanche des serfs du Jura ?
L’histoire des esclaves tanzaniens ressemble à celle des serfs du Jura à plus d’un titre. Un serf s’était enfui de son lieu de servitude et avait trouvé refuge chez Voltaire. Un esclave tanzanien s’est enfui de la villa de Prévessin et a rencontré des personnes et des associations sensibles à sa situation… Voltaire n’a pas pu contribuer à la totale libération des serfs du Jura.
La victoire des Tanzaniens et du Nigérien est, en fin de compte, une revanche des serfs du Jura et du patriarche de Ferney.
Comment as-tu mis en place ce tournage ?
Le tournage m’a pris deux ans. J’ai rencontré et interviewé les personnes et associations qui sont intervenu∙es dans le cadre de la défense des personnes esclavagisé∙es : la Cimade, Ni Putes Ni Soumises, la journaliste Agathe Duparc.
Pourquoi apparais-tu à plusieurs reprises dans ton film ?
Apparaître dans mon film est une manière d’assumer ma prise de position, condamnant ces situations inhumaines et faisant en sorte que ces personnes retrouvent leur dignité et obtiennent une reconnaissance officielle devant la loi et un dédommagement monétaire.
La dernière image du film te montre en train de regarder le Jura.
Je ne présente pas l’identité des personnes esclavagisé∙es et elles n’apparaissent pas dans le film, car leur situation est encore très sensible.
L’ESCLAVAGE MODERNE, TEL QU’IL EST DÉFINI DANS LE RAPPORT, COMPREND DEUX COMPOSANTES PRINCIPALES: LE TRAVAIL FORCÉ ET LE MARIAGE FORCÉ. TOUS DEUX RENVOIENT À DES SITUATIONS D’EXPLOITATION QU’UNE PERSONNE NE PEUT REFUSER OU AUXQUELLES ELLE NE PEUT ÉCHAPPER EN RAISON DE MENACES, DE VIOLENCE, DE COERCITION, DE TROMPERIE OU D’ABUS DE POUVOIR